La cryogénisation peut-elle nous faire échapper à la mort ? C’est la grande question que se posent de nombreux adeptes : actuellement dans le monde, plus de 500 personnes attendraient dans des caissons réfrigérés, en état de cryogénisation, selon une enquête de Future Mag Arte, qui ont interrogé des partisans.
Désireux d’échapper à la mort, ils espèrent un jour être réanimés par les progrès de la science. Ce vieux rêve de l’homme d’échapper à la mort continue de le hanter. Pour autant, en l’état actuel des choses, rien de garantit que la science permettra de faire revivre l’intégralité, et sans séquelles, de tissus congelés. Apparue dans les années 1960, la cryo génisation n’est plus réservée à d’excentriques milliardaires ou au domaine de la fiction. On se souvient ici d’Han Solo est cryogénisé dans L’Empire contre-attaque de Stars Wars. Ou de Louis de Funès, confronté dans Hibernatus au retour à la vie d’un homme libéré des glaces polaires. On se souvient aussi de ce jeune mammouth qui avait fait quelques pas après avoir été découvert congelé, en Sibérie… Aux Etats-Unis, pays où tout est possible, même l’impossible, plusieurs entreprises proposent déjà ce procédé et on estimerait à environ 500 le nombre de personnes qui ont livré leur corps au froid éternel.
En 2017, en Chine, Zhan Welian, 49 ans, décédée d’un cancer du poumon, fut cryogénisée. Au cours d’une procédure de 55 heures, son corps a été entièrement vidé de son sang juste après sa mort, et remplacé par une sorte d’antigel, avant d’être refroidi à une température de -196 degrés. Montant de l’opération ? 300 000 dollars, sans compter les frais de conservation annuels de 50 000 dollars !
Les gains juteux de ce business mortel
Cependant, en plus d’être incertaine, une cryoégnisation coûte cher. Les assurances-vies sont le moyen proposé pour être transformé en glaçon, version « Mister Freeze ». À 24 ans, l’Américaine Becca Ziegler, cheffe de produits pour une entreprise californienne de technologie, a déjà décidé de figer son corps dans le froid par un laboratoire de Berlin, où elle travaille, dans l’espoir d’une nouvelle vie. Elle ainsi signé un contrat avec une start-up, Tomorrow Biostasis, spécialisée dans la conservation à très basse température des défunts pour les ressusciter, si toutefois les progrès de la science le permettent un jour ! Fondée en 2020 à Berlin, Tomorrow Biostasis est la première entreprise de ce genre en Europe. L’un de ses objectifs « est de réduire les coûts pour que la cryogénisation devienne accessible à tous », indique à l’AFP l’un des fondateurs, Emil Kendziorra. Le tarif pour la start-up s’engage à congeler ses clients après leur mort ? Une somme forfaitaire de 200 000 euros à verser après le décès – 75 000 euros pour la congélation du seul cerveau – mais aussi, histoire de s’assurer des revenus dès ici bas, une contribution mensuelle de 50 euros tout au long de leur vie. Une sorte d’assurance vie qui peut rapporter gros… d’autant que le client ne sera peut-être plus là pour demander des comptes s’il arrive malheur à son corps congelé ! Mais Becca Ziegler, pas d’inquiétude : lorsque son heure sera venue, une équipe de médecins plongera Becca Ziegler dans une cuve d’azote liquide, à une température de -196 °C, puis transférera la capsule dans un centre spécial. « De façon générale, j’aime la vie et je suis curieuse de voir à quoi ressemblera notre monde dans le futur », a-t-elle expliqué à l’AFP. L’espoir fait vivre ?
La start-up Tomorrow Biostasis précise compter environ 700 clients ayant signé ses contrats et dit avoir procédé à la cryogénisation de quatre personnes, à fin 2023. Selon Emil Kendziorra, le client type a entre 30 et 40 ans, travaille dans le secteur technologique et est plutôt un homme qu’une femme. Lorsqu’un client décède, l’entreprise s’engage à envoyer une ambulance spécialement équipée pour refroidir le défunt à l’aide de glace et d’eau. Le corps est ensuite infusé avec un « cryoprotecteur » et transporté vers l’installation dédiée en Suisse. Pays accessoirement spécialisé dans… l’euthanasie !
Âgé de 38 ans et originaire de Darmstadt, dans l’ouest de l’Allemagne, Emil Kendziorra a étudié la médecine et s’est spécialisé dans la recherche sur le cancer, avant de jeter l’éponge, frustré par la lenteur des progrès dans ce domaine, raconte-t-il. « L’un des avantages de la cryogénisation, c’est que vous pouvez la faire dès maintenant », observe-t-il.
Être cryogénisé ? Pourtant aucune garantie de réussite !
En 2016, une équipe de scientifiques a réussi à maintenir dans des conditions parfaites le cerveau d’un lapin lors d’une cryogénisation. En mai 2024, des chercheurs chinois de l’université de Fudan ont utilisé une nouvelle technique pour congeler des tissus cérébraux humains, qui se sont avérés entièrement fonctionnels après 18 mois de cryogénisation. Mais pour Holger Reinsch, chercheur de l’institut de recherche ILK de Dresde (Allemagne), les espoirs de rendre à la vie dans un avenir proche une personne congelée sont très ténus. « Nous sommes sceptiques. Personnellement, je vous déconseillerais d’utiliser un tel procédé », a-t-il déclaré à l’AFP. Voici donc un chercheur sceptique qu’on puisse prochainement échapper à la mort avec cette technique ! Il poursuit : « Dans la pratique médicale, la limite pour la cryoconservation de structures tissulaires est de la taille et de l’épaisseur de l’ongle du pouce. Cette situation n’a pas changé depuis les années 1970 ».
Interrogé par Sciences et Avenir, Thierry Jaffredo, spécialiste des cellules souches du Laboratoire de Biologie du Développement de l’Institut de Biologie Paris Seine (UPMC/CNRS/Inserm), explique : « Lorsque l’on congèle des tissus, des cristaux de glace peuvent se former entre les cellules et les endommager. L’antigel prend la place de l’eau, ce qui minimise les dégâts.» Puis le corps est progressivement refroidi pendant 36 heures dans un bain de glace et de silicone, jusqu’à atteindre la température de -79 °C. Il baigne ensuite dans de l’azote liquide sur une période de 7 à 10 jours, pour atteindre la température de… -196 °C ! « À cette température, il n’y a plus d’agitation moléculaire, les cellules ne devraient pas vieillir… en théorie, puisque les tissus cryogénisés pendant 10 ans peuvent quand même subir quelques altérations, si la technique de préservation avant la procédure n’a pas été parfaitement réalisée…».
Emil Kendziorra admet qu’il n’y a aucune garantie de résultat. Quant à Becca Ziegler, qui se dit bien évidemment certaine de ne pas regretter sa décision, peu importe ce qui se passera à l’avenir : « Cela peut paraitre bizarre, reconnaît-elle. Mais d’un autre côté, l’alternative, c’est d’être mise dans un cercueil et mangée par les vers ». La peur de mourir serait là encore la raison de son choix. Et quid d’une vie après la mort ? Et même de la résurrection des corps, quand Jésus reviendra ? Qu’en pensez-vous ? Venez nous en parler sur le chat’ :
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