Quand la mémoire s’efface, la personne change. Mais elle ne disparaît pas. L’Alzheimer brouille nos repères, creuse un “deuil blanc”, et pourtant révèle parfois une présence plus nue, plus vraie.
Quand la personne s’éloigne… sans mourir
On parle en psychologie de deuil blanc.
La personne n’est pas décédée, mais quelque chose échappe.
Ce décalage ouvre un gouffre : comment décider pour quelqu’un qui n’est plus tout à fait celui qu’il a été, mais qui reste viv vivant autrement ?
Alzheimer est paradoxal.
Des jours opaques.
Puis un éclair de lucidité. Une phrase. Un regard net.
Preuve que tout n’est pas détruit.
Traverser la maladie : une autre présence
J’ai eu la joie et l’honneur, avec toute sa famille, de traverser cette maladie avec ma belle-mère.
C’était rude.
Et pourtant, une période très touchante.
La femme rigoureuse, parfois autoritaire, s’effaçait.
À sa place, une douceur.
Une gentillesse que je n’avais jamais vue.
J’ai découvert une autre facette d’elle. Fragile. Paisible.
Chaque dimanche, elle tenait à aller à la messe.
Elle ne pouvait plus prendre soin d’elle, mais voulait que sa garde-malade la prépare, élégante.
C’était le sommet de sa semaine.
Et puis, ce moment.
À l’agonie.
Un prêtre vient.
Elle ne parlait plus depuis des mois.
Pourtant, en bougeant à peine les lèvres, elle récite le Notre Père.
Pas un son.
Mais une prière entière.
« Je t’ai gravé dans le creux de mes mains. » (Is 49,16)
La vraie frontière
Alzheimer altère la mémoire, pas la dignité.
La personne change, mais elle reste là : dans ces éclairs, dans ces gestes et dans cette foi silencieuse.
La frontière avec l’euthanasie n’est pas médicale.
Elle est dans notre regard.
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