La réponse à cette question par un très beau texte d’André Frossard (1915-1995), membre de l’Académie française, connu aussi pour son célèbre livre-témoignage Dieu existe, je l’ai rencontré.
Qu’y a-t-il après la mort ? Il semble qu’il n’y ait rien. En effet, on ne discerne chez un mort aucun élément immatériel de survie qui échapperait au processus de décomposition. “Je n’ai pas trouvé l’âme sous mon scalpel”, disait Claude Bernard. On ne la trouve guère non plus dans le discours religieux, tant la notion est imprécise et peu localisable dans l’être humain. On a renoncé du même coup à l’imagerie ‘moyenâgeuse’ du “ciel” où les âmes bienheureuses se mouvaient autour de Dieu en agitant mollement des palmes et en chantant des cantiques, activité monotone dont Descartes craignait de se lasser. Du reste, l’Église paraît hésitante sur ce chapitre, puisqu’elle invite à l’espérance d’une part, et que d’autre part elle appelle sur les défunts la grâce (-le don-) du “repos éternel”.
Nous avons aujourd’hui une religion beaucoup plus raisonnable, qui entend consacrer ses forces à réaliser sur cette terre ce « monde meilleur » que l’on situait autrefois dans les cieux.
Cependant le Christ a dit : « Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. Qui les consolera, si ce n’est lui, et comment le seraient-ils, sans ceux qu’ils ont aimés ? Les objections ne tiennent pas.
— « Siècle à mains », disait Rimbaud de son temps, et il faut bien constater que le XIXe siècle scientiste avait la main particulièrement grossière. Un élément immatériel échappe par définition à la prise et au bistouri. Si Claude Bernard avait trouvé une âme sous son scalpel, il eût porté un rude coup à la religion.
— Descartes craignait effectivement de s’ennuyer à contempler Dieu « dix mille ans ». L’idée claire et distincte ne lui est jamais venue que Dieu pourrait s’ennuyer beaucoup plus tôt à contempler Descartes. Notre grand arpenteur des limites du bon sens ignorait tout de la contemplation, qui n’est soumise ni au temps, ni à l’étendue, ni aux règlements du bureau des poids et mesures.
— Les matérialistes se complaisent à prêter à nos ancêtres des erreurs qu’ils ne commettaient pas, et dont ils triomphent aisément. Ainsi sourient-ils avec condescendance de la naïveté des anciens, qui d’après eux croyaient que la terre était plate comme un guéridon. Or les anciens savaient fort bien que la terre était ronde, et Aristote lui prêtait même la forme renflée d’une poire.
De même, on se moque de ce paradis que les peintres logeaient au-dessus des nuages, dans un ciel dont les matérialistes, espèce touchante, croient savoir qu’il est vide de toute présence.
Mais le ciel est l’univers spirituel de Dieu. Et non seulement il existe, mais il nous entoure, il nous enveloppe et il nous traverse, comme nous le sommes sans cesse à notre insu par quantité de rayons et même de particules qui ne nous sont pas moins insaisissables.
— Nous avons certes le devoir de travailler à la construction d’un monde meilleur, et en réussir un moins mauvais serait déjà un résultat appréciable. Mais il serait absurde de réduire nos espérances à un aménagement plus satisfaisant de cette terre, en passant par profits et pertes tous les malheurs du passé et du présent, comme s’il ne s’agissait que des déchets inévitables de nos futurs accomplissements politiques.
Toutes ces larmes, tout ce sang dont notre histoire déborde, n’auraient servi qu’à bâtir une cité terrestre idéale, dont l’inauguration serait constamment remise à une date ultérieure ?
Et je rappelle que dans l’Apocalypse, la nouvelle Jérusalem descend du ciel, et ne monte pas de la terre comme une autre Babel promise à l’effondrement. Enfin, lorsque l’Église parle de « repos éternel », elle pense à notre pauvre corps, que l’on va déposer pour un temps indéterminé dans l’un de ces cimetières qui ne sont que les vestiaires de la Résurrection.
A s’en tenir à la foi, qui croit à la résurrection, et à la raison, restreinte au périmètre des sens, la réponse est simple : la mort est un clin d’œil.
Les yeux de la chair se ferment sur ce monde et s’ouvrent aussitôt sur la résurrection, les siècles n’entrent pas en ligne de compte, le temps étant aboli. Voilà pour le corps ce que peut dire la foi quand on la contient dans les bornes de l’observation matérielle, ce qui n’est d’ailleurs pas un service à lui rendre.
Mais l’être humain n’est-il qu’un corps, un condensé de molécules un jour ou l’autre dispersées par le vent ? La foi en sait davantage par la révélation et l’expérience mystique peut en dire plus.
La foi a appris par le Christ que « l’œil n’a pas vu, l’oreille n’a pas entendu, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment ». Attentive à toutes les paroles de l’Évangile, elle garde dans son cœur une parole, dont on ne tire généralement pas tout le sens qu’elle contient. Interrogé par les Sadducéens sur la résurrection, à laquelle ils ne croyaient pas, Jésus leur dit ce que nous serons lorsque tout sera accompli, et il ajoute ces mots dont on ne mesure pas toujours la portée, peut-être parce qu’il les énonce comme une banalité scripturaire : « D’ailleurs, Dieu n’a-t-il pas dit à Moïse, je suis le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ? Il est donc le Dieu des vivants. » On en conclut le plus souvent qu’il est le Dieu de la vie, non de la mort, alors qu’il vient de nous livrer comme par mégarde un secret sans prix : Abraham, Isaac et Jacob sont toujours vivants, bien qu’ils aient disparu depuis longtemps, cette mort qui est une dure réalité pour nous n’existe pas pour Dieu ; tout être à son image porte un nom, qui exprime sa personne, et cette image est ineffaçable, ce nom, Dieu ne l’oublie jamais, et cette personne, qu’elle ait eu un instant ou un siècle de vie, comment ne vivrait-elle pas en lui, quand elle survit dans notre chétive mémoire ?
Quant à l’expérience mystique, elle donne la certitude qu’« après la mort » il y a Dieu, et ce sera, je vous en réponds, une fameuse surprise pour beaucoup. Ils s’apercevront, avec l’étonnement qui fut le mien le jour de ma conversion, et qui dure encore, qu’il y a « un autre monde », un univers spirituel fait de lumière essentielle d’un éclat prodigieux, d’une douceur bouleversante, et du même coup tout ce qui leur paraissait invraisemblable la veille leur paraîtra naturel, tout ce qui leur semblait improbable leur deviendra délicieusement acceptable et tout ce qu’ils niaient leur sera joyeusement réfuté par l’évidence.
Ils s’apercevront que toutes les espérances chrétiennes étaient fondées, même les plus folles, qui ne le sont pas encore assez pour donner une juste idée de la prodigalité divine. Ils constateront, comme je l’ai constaté, que les yeux de la chair ne sont pas nécessaires pour recevoir cette lumière spirituelle et enseignante, qu’ils nous empêcheraient plutôt de la voir, et qu’elle illumine en nous une part de nous-même qui ne dépend nullement de notre corps. Comment cela se peut-il ? Je ne sais — je ne sais pas du tout — mais je sais que ce que je dis est vrai.
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