Un tiercé de la mort ? Il y avait autrefois un tiercé liturgique pour les morts à cette période de l’année : All Allow’s Eve (- la veille de la Toussaint), All Saints (Tous saints), and All Souls (Toutes les âmes).
Dans son livre La réforme de la liturgie (1948-1975), Annibale Bugnini, l’architecte de la réforme qui a eu lieu après le Concile Vatican II, exprime son regret de ne pouvoir déplacer le mercredi des Cendres sur un dimanche. Un dimanche de pénitence est impossible, explique-t-il, mais en l’état actuel des choses, le mercredi des Cendres est à jamais associé à Mardi Gras ! Et Mardi Gras n’est pas tellement une fête religieuse où l’on se prépare à l’arrivée du Carême, mais plutôt une fête où, dans certains pays, on se déguise et on fait gras, c’est-à-dire bombance.
Dans les pays et les régions où Mardi Gras est un événement important, on peut comprendre le problème, surtout lorsque les célébrations s’étendent sur le mercredi des Cendres lui-même. Et pourtant, comme le consumérisme des cadeaux de Noël et les œufs en chocolat de Pâques, c’est en fin de compte un produit de la liturgie catholique. En tant que catholiques, nous devons trouver un moyen de gérer cette progéniture de notre propre tradition qui a grandi et qui est franchement déformée… Nous avons un problème similaire avec Halloween.
La veille de la Toussaint, c’est-à-dire la fête de toutes les (saintes) âmes, ou Toussaint, Hallowe’en, est le jour qui précède la Toussaint. En tant que l’une des principales fêtes de l’année catholique, la Toussaint est un jour saint d’obligation et, jusqu’aux réformes de 1955, elle avait à la fois une vigile et une octave. Qu’est-ce donc ? L’octave signifiait que la même messe, la messe de la Toussaint, était célébrée à nouveau le huitième jour, et parfois les jours intermédiaires.
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La messe de la vigile, avec ses propres prières et lectures, était célébrée la veille. Cet arrangement permettait, pour les plus grandes fêtes de l’année de l’Église, des occasions répétées de contempler le mystère exprimé dans la fête et, dans le cas de la vigile, une occasion de le contempler sur un mode pénitentiel, avant de le célébrer comme une fête joyeuse. En effet, la vigile était un jour de pénitence : on portait des vêtements violets, et le code de droit canonique (le droit de l’Eglise) a inscrit en 1917 la vigile de la Toussaint comme un jour de jeûne.
La Toussaint a également introduit un mois de prières spéciales pour les morts. La commémoration des fidèles défunts, la Toussaint, a été célébrée le jour suivant, et a, avec le seul jour de Noël, la particularité d’avoir trois messes différentes qui peuvent être dites.
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Cela rappelle que les prêtres ont le privilège de célébrer trois messes ces deux jours-là, alors que le reste de l’année, ils ne peuvent en célébrer qu’une seule, sauf nécessité pastorale. La combinaison de l’anticipation pénitentielle de la Toussaint et des jours suivants consacrés aux morts non encore saints suscite naturellement une association avec les cimetières et les fantômes.
Premièrement, comme nous le rappellent les textes de la vigile, la perspective de la gloire des saints devrait nous rappeler notre propre mort à venir, la vie après la mort, et notre besoin de repentir. Deuxièmement, selon l’opinion catholique, les fantômes sont parfois les esprits de ceux qui sont au purgatoire et qui sont autorisés à visiter leurs familles et les lieux qui leur ont été associés de leur vivant afin de rappeler aux vivants de prier pour eux. Bon, bien sûr, les fantômes n’existent pas, mais cependant les âmes des fidèles défunts qui patientent au purgatoire peuvent cependant chercher à se rappeler à notre mémoire, non par des apparitions, mais par des signes.
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Troisièmement, la liturgie de ces jours est axée sur la transition entre l’état de la vie terrestre et du purgatoire et la vision béatifique des bienheureux au ciel – le voyage de l’âme d’un état à un autre.
Un problème se pose lorsque des coutumes culturelles inspirées du catholicisme sont héritées par des sociétés qui rejettent officiellement la théologie catholique. Le héros de Hamlet de Shakespeare doit décider si le fantôme de son père est, comme le prétend le fantôme lui-même, une âme au purgatoire, comme le voudraient les catholiques, ou un diable déguisé, comme le prétendaient les théologiens protestants, en partant du principe que le purgatoire n’existe pas et que les histoires de fantômes doivent être expliquées d’une manière ou d’une autre :
Sois un esprit de santé ou un lutin damné,
Apporte avec toi des airs du ciel ou des souffles de l’enfer,
Que tes intentions soient méchantes ou charitables.
Le protestantisme a transformé les esprits inquiétants d’Halloween, qui n’étaient pas des rappels bénins, bien qu’alarmants, de notre mortalité, en esprits maléfiques cherchant notre destruction spirituelle. Cela a fait d’Halloween quelque chose de beaucoup plus sombre et menaçant que ce qu’elle était censée être !
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Une tentative des néo-païens de s’approprier Halloween ?
Aujourd’hui, nous devons faire face à un autre niveau de malentendu : la tentative des néo-païens de s’approprier Halloween. Les néo-païens ont repris les arguments des protestants du seizième siècle, selon lesquels le catholicisme était une sorte de superstition païenne, et les affirmations des antiquaires du début du vingtième siècle, selon lesquelles les aspects du catholicisme médiéval qui semblent un peu étranges aux anglicans sécularisés doivent nécessairement être des vestiges d’un passé pré-chrétien. Pour les néo-païens, Pâques, « Yule » (Noël) et « Samheim » (Halloween) sont des fêtes que les chrétiens ont volées au paganisme, et que seuls les revivalistes païens comprennent et apprécient.
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Cette affirmation est presque entièrement dénuée de tout fondement historique. Les Celtes pré-chrétiens et d’autres peuples avaient peut-être une sorte de fête des moissons, mais la célébration de la Toussaint vient de Rome, pas du monde celte, et tout ce qui la concerne est logique en termes de théologie et de culture catholiques.
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Une nouvelle fête des fantômes et des anges déchus ?
S’il y a une appropriation culturelle, c’est celle de la compréhension catholique des fantômes et des anges déchus, qui est malmenée et commercialisée avec peu de considération pour nos sensibilités.
Le problème reste le même que celui évoqué par Bugnini à propos de Mardi Gras : l’un des moments clés du calendrier de l’Église a été recouvert par quelque chose de vulgaire, souvent laid et glauque, voire de grossièrement offensant et non chrétien. On est pris entre l’instinct de Bugnini, qui pense que si c’était possible, il vaudrait mieux déplacer notre propre célébration ailleurs et laisser le monde moderne faire ce qu’il veut, et le désir de rechristianiser quelque chose qui a depuis longtemps perdu sa signification chrétienne.
La façon dont cette dernière stratégie pourrait fonctionner dépendrait des pratiques culturelles précises auxquelles on a affaire. Dans certains pays – et c’est une raison suffisante pour rejeter la première stratégie qui consiste à tout abandonner – le culte des morts est encore une réalité sociale puissante. Les gens se rendent effectivement sur les tombes de leurs proches à cette époque (en France, plus de 70% vont dans les cimetières le jour de la Toussaint). Ce que nous devons faire, c’est renforcer la motivation spirituelle de ce qui reste d’une culture catholique saine et, s’il ne reste pas grand-chose, au moins fortifier notre réponse personnelle, en tant que catholiques, à ce que l’Église nous demande à cette période de l’année, comme le reste du temps : témoigner de notre foi, de notre rencontre avec le Christ !
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Prendre au sérieux la victoire contre les ténèbres ?
Le message de l’Église n’a pas été renforcé par l’abolition de la fête de la Veille de Toussaint, en 1955. Le sentiment que cette réforme, dans laquelle onze vigiles (veillées solennelles) ont été supprimées pour n’en laisser que quatre, était excessive est largement répandu. (L’une des vigiles supprimées, celle de l’Épiphanie, a en fait été restaurée, d’une certaine manière, dans le Missel post-Vatican II). L’importance d’une fête est marquée par la préparation que nous y apportons : Pâques par le Carême, Noël par l’Avent. Si nous voulons prendre au sérieux la fête de la Toussaint comme le triomphe de l’Église et de ses saints sur la persécution et toutes les forces des ténèbres, alors un seul jour de pénitence douce, une sorte d’Halloween tous saints! – All Hallows’ Eve! – avec sa propre messe, semble tout à fait approprié.
En attendant, il reste des choses à faire aux catholiques : suivre la célébration de la Toussaint aussi sérieusement que possible, résister à la suggestion qu’il n’est pas nécessaire de prier pour les morts et les âmes du purgatoire. Ces dernières sont pourtant impuissantes : elles ne peuvent plus faire de bonnes œuvres pour atténuer leurs péchés ! En reconnaissance de ce fait, au niveau des indulgences – ce qui permet de sauver des âmes par la prière et l’offrande – le Manuel officiel des indulgences offre des indulgences applicables aux morts chaque jour, pendant les huit premiers jours de novembre, si nous prions dans un cimetière. Ces indulgences sont dites plénières, c’est-à-dire qu’elles permettent effectivement à des âmes de parvenir au paradis, si le priant se confesse au près d’un prêtre, communie lors de la messe, et prie aux intentions du pape. Bref, une occasion unique pour les catholiques d’aider leurs proches, mais aussi les morts oubliés qui n’ont personne pour prier pour eux !
Et qu’en penses-tu ? Veux-tu qu’on parle de tes proches défunts ? Aimerais-tu qu’on prie pour eux et le salut de leur âme ?
Pour aller plus loin :
- Fêter Halloween, est-ce anodin ?
- Quel lien entre Harry Potter et Halloween ?
- Pourquoi on donne des bonbons pour Halloween ?
Source : Article de Joseph Shaw librement traduit de l’anglais pour Lavieapreslamort.com
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